Depuis plusieurs mois, une initiative d’organisations non gouvernementales a intensifié sa campagne en faveur d’une législation nationale qui imposerait un devoir de diligence et une responsabilité civile et pénale pour les entreprises afin d’assurer le respect des principes de durabilité dans les chaînes d’approvisionnement. Les groupes de pression en question exigent une action urgente des décideurs politiques nationaux. Ce faisant, ils donnent l’impression que les infractions au respect des droits de l’homme et à la protection de l’environnement provoquées par nos entreprises et leurs fournisseurs sont telles qu’elles ne tolèrent plus aucun répit. Cette accusation implicite à l’égard du monde économique luxembourgeois prend toute son ampleur dans la demande de ne pas attendre une initiative législative européenne, pourtant imminente, sous prétexte que le processus décisionnel démocratique européen est trop lent. Les pourfendeurs d’un cavalier seul national prônent une fragmentation dangereuse du marché européen dans un domaine qui exige une action harmonisée des États membres.
Sur le fond, il va sans dire que la FEDIL et ses membres partagent entièrement le souci de renforcer l’action en faveur du respect des principes de durabilité dans les chaînes d’approvisionnement. Ils tiennent à souligner les efforts qui sont déjà déployés aujourd’hui sur base volonaire par bon nombre d’entreprises pour mettre en œuvre une diligence raisonnable dans leur chaîne de valeur.
En ce qui concerne la forme, la FEDIL reste persuadée que l’initiative législative doit être européenne, car du point d’une petite économie ouverte, les mesures d’exécution ne peuvent être autres qu’harmonisées pour le marché intérieur européen. Se précipiter dans une course à la réglementation entre le Marché-aux-Herbes et Bruxelles pour crier victoire avec un texte national bâclé et non praticable ne rendrait pas justice à l’importance du sujet. Le fait que la Commission européenne et son comité d’analyse d’impact prennent du temps avant de mettre sur table une proposition législative, n’est pas un signe de mauvaise volonté, mais bien la preuve qu’ils sont soucieux d’introduire un régime praticable, susceptible de produire les effets voulus.
Il est déplorable que ce sujet soit dégradé à la caricature d’un rapport de force entre humanistes bien intentionnés et le méchant monde des entreprises saupoudré de reproches simplistes dans le seul but d’impressionner quelques décideurs politiques pas suffisamment conscients de l’étendue et la complexité du sujet.
Un cadre légal réduira le choix des entreprises importatrices, si ce n’est que par mesure de précaution. À titre d’exemple, au mois de novembre, Greenpeace a ouvertement reproché à un groupe pétrolier européen que son programme de reforestation est contraire aux droits de l’homme. Les actionnaires de nos principaux fournisseurs de gaz naturel sont régulièrement pointés du doigt pour non-respect des droits de l’homme. Imposer à nos importateurs d’énergie et aux entreprises consommatrices de renoncer à s’approvisionner auprès des fournisseurs en question sous peine de s’exposer à des poursuites judiciaires pénales ou civiles reviendrait à priver le pays d’énergie, de chauffage, d’électricité et de carburants indispensables. Telle est la réalité des entreprises et tels sont les soucis de leurs représentants lorsqu’ils exigent un cadre réaliste et efficace.
La FEDIL espère qu’un futur cadre législatif européen trouvera ce juste équilibre entre des critères de faisabilité et la nécessité de progresser sur la voie du respect des principes ESG dans les circuits économiques et qu’il posera les bases permettant de concilier les nouvelles exigences avec le souci vital pour le Luxembourg de préserver un marché intérieur fonctionnel.